Biographie

Bien connu pour son engagement au sein de la société civile, dans ses chansons et ses émissions radio, Abdoul Karim Sama alias Sams’K Le Jah a appris à défendre la liberté, la justice et l’équité depuis le giron familial. L’exemple de droiture et de persévérance que lui inspirait son défunt père, ainsi que les exactions vécues par des Burkinabè en Côte d’Ivoire, son pays natal, et dont il a été témoin ont forgé en lui un caractère prompt à dénoncer l’injustice et à voler au secours du faible injustement brimé.

Il se rappelle encore avec amertume la gifle qu’a reçue son oncle alors que celui-ci réclamait la monnaie de son billet de 10 000 F CFA qu’il avait remis à des gendarmes d’un pays voisin qui, en adeptes du racket, le délestaient de 2 000 F CFA. Il se souvient en avoir été révolté et pleuré sur une distance de trente kilomètres. Suite à cette injustice, il s’investit sans relâche et sans réserve dans des luttes comme celles réclamant justice et réhabilitation pour Thomas Sankara et Norbert Zongo.

De même, plus récemment il a été à l’avant-garde du combat qui a empêché Blaise Compaoré de modifier la Constitution et entraîné, en octobre 2014, le départ forcé de ce dernier et la chute de son régime alors vieux de 27 ans. Son importante contribution, à l’instar d’autres Burkinabè, à la réussite de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, et à l’échec du coup d’Etat de septembre 2015 lui a valu la reconnaissance de la Nation à travers la médaille de chevalier de l’ordre national qu’il a reçue le 10 décembre 2015.

«Je ne suis pas un rebelle»

Né en 1971 à Vavoua, l’une des premières villes rebelles lors de la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2000, Abdoul Karim Sama est originaire de Koudougou, une autre ville qualifiée de rebelle à cause de la détermination de ses populations dans les manifestations revendicatives. De ce fait, celui qui a pour nom d’artiste Sams’K Le Jah est-il un rebelle? «Je ne suis pas un rebelle, tout le monde est activiste, dans la vie il y a des moments où on se révolte, des moments où on se rebelle, des moments où on fait la révolution et des moments où on se calme.»

Sur son statut matrimonial, il reste sans détail, se contentant de dire qu’il est marié et a des enfants, sans en préciser le nombre ni les noms, parce que, explique-t-il, il veut les protéger. Il en est de même quand on cherche à connaître le nom de ses parents, même s’il accepte au moins de partager la riche expérience de son papa, pour montrer que tout est possible dans la vie pour celui qui sait se battre sans baisser les bras.

Arrivé en Côte d’Ivoire alors qu’il avait 16 ans, le père d’Abdoul Karim, né en 1935, commence à travailler au dispensaire de Vavoua comme manœuvre. Mais en véritable autodidacte, quoiqu’analphabète, il intégrera par la suite le corps médical et prescrira même des ordonnances médicales. Il est décèdé le 11 février 2015. Titulaire d’un certificat de maîtrise en anglais obtenu à l’université de Ouagadougou, Sam’s k Le Jah a jugé inutile, en son temps, de préparer sa soutenance et il s’en justifie: «L’anglais pour moi était un outil pour apprendre d’autres choses. Et il y avait la galère à l’université. Même pour soutenir, il faut poursuivre les professeurs, et si tu arrives aux Etats-Unis on ne tient pas forcément compte de ta maîtrise, mais plutôt de ta licence. Je ne voulais donc pas galérer pour quelque chose qui n’allait pas me servir.» L’ancien professeur d’anglais de Dimdolobsom, un lycée privé de Ouagadougou, estimait donc qu’il comprenait suffisamment l’anglais pour comprendre le reggae et s’offrir d’autres opportunités.

De radio Energie à Ouaga FM

Son premier contact avec la radio s’est fait à travers l’émission Vibrations nocturnes animée par Salfo Soré, alias Jah Press, sur radio Energie. Invité à cette émission à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Bob Marley, il impressionne positivement les responsables de la radio qui lui offrent une plage reggae. Après quelques hésitations que les multiples encouragements ont fini par balayer, Abdoul Karim Sama anime sa première émission en juin 1995.

En se servant de son nom de famille, qui est en réalité «Sam» même si la transcription administrative l’a transformé en «Sama», ou en «Saman» pour d’autres de ses cousins, du possessif anglais et de la première lettre de «Karim», plus «Le Jah», surnom que Bakary Konaté, un de ses professeurs d’université, lui a donné, il se forma un pseudonyme.

Le décès du Président directeur général de radio Energie, Inoussa Sankara, en avril 1999, vit l’arrêt de Reggae Jam et More culture, les deux émissions qu’il animait sur ce média. Il se retrouve alors sans activité parce qu’il ne voulait pas passer les concours de la Fonction publique, refusant d’être ce qu’il appelle «l’esclave de l’administration». L’ancien professeur «rasta» ou «MC», comme l’appelaient ses élèves, en plus de donner des cours très «ambiancés» avait déjà été remercié du «Dim» pour avoir participé à un mouvement de grève de revendication d’augmentation des salaires.

L’envie de demeurer indépendant pousse alors celui qui souffrait d’une arthrose qui le faisait boiter, à vendre des costumes et des chaussures de seconde main juché sur sa P50 bleue qu’il avait achetée avec sa bourse d’étudiant. Quand il n’avait plus ni pécule, ni boulot, son commerce ne marchant pas, il gérait le kiosque de l’un de ses amis du nom de Bagdad, qui l’a convaincu de renoncer à son projet d’exil vers le Ghana.

A l’ouverture de la radio Ouaga FM, dont le promoteur n’est autre que Joachim Baky, un ancien de Zama Publicité, il signe un contrat d’embauche pour la première fois dans sa vie en 1999. Le riverain du ghetto de Tampouy, un quartier périphérique de Ouagadougou, commence à avoir une situation plus ou moins stable, même si ses charges ont augmenté avec la naissance de sa fille la même année.

Le Balai citoyen

A Ouaga FM, il animait les émissions Zion Vibes et Roots Rock Reggae quand commencèrent les intimidations à travers les convocations à répétition du Conseil supérieur de la communication (CSC), puis «les menaces de mort en 2007», se rappelle-t-il, jusqu’à ce qu’il soit viré de la radio pendant la mutinerie militaire de 2011. «C’est là que j’ai décidé pour de bon de me consacrer à ma musique et de prendre mon indépendance véritable». Il arborera définitivement ses dreadlocks qu’il a poussés après l’université, les a coupés quand il était prof, avant de les repousser quand il fut viré de son poste d’enseignant.

Celui qui considère le croyant comme quelqu’un qui doute et qui n’a donc pas de certitude a sorti sa première cassette, Mister Man, le 2 novembre 2001, jour anniversaire du couronnement d’Hailé Sélassié, pour lui rendre hommage. Le 21 décembre 2006, date anniversaire de la naissance de Thomas Sankara, il sort Une bougie pour Thomas Sankara, son deuxième album.

Sa troisième œuvre musicale, Rasta au pays des merveilles, sera dédicacée un 25 mai, jour commémoratif de la création de l’Union africaine. Son dernier album, Cache-cache, dont l’un des titres est «Non au sénat», a été présenté le 18 juillet 2013, jour de lancement du Balai Citoyen, l’organisation de la société civile qu’il a cofondée avec le rappeur engagé Serge Bambara, alias Smockey. Lui a proposé «Balai» et le dernier a ajouté «citoyen» pour former le Balai citoyen.

En plus de la musique qui lui fait faire beaucoup de tournées à l’intérieur des frontières nationales comme à l’étranger, Sams’K Le Jah, qui dément avoir reçu sa voiture 4X4 des autorités de la Transition, fait dans la location auto, anime une émission Rendez-vous du reggae sur Radio Omega, est le promoteur de Reggae city festival et gère un campement.

Ses mérites ont été reconnus par la nation qui l’a fait chevalier de l’ordre national et lui rêve de faire des forages dans tous les villages du Burkina, se définissant comme «l’héritier de Thomas Sankara et l’élève de Norbert Zongo».

Par Juste SAMBA

source : www.fasozine.com/samsk-le-jah-heritier-de-thomas-sankara-eleve-de-norbert-zongo